Prologue. ~ Toute création nait d’un mélange d’inspiration et de réflexion.
Comment commencer une histoire aussi banale que tant d’autres ? Par planter le décor, et pour décider de la banalité du récit qui va suivre, je vous laisse seuls juges.
C’est ainsi que le début de notre intrigue se déroule au plein centre du Japon moderne, dans l’épicentre d’un vas et viens d’hommes, de marchandises et de capitaux. Dans l’une des principales capitales d’Asie, et dans la ville la plus peuplée du pays du soleil levant. En un mot, c’est à Tokyo que se déroule la rencontre entre Mitsumichi Sekime, un chercheur prometteur et acharné, et la grande déesse de la sagesse, et de l’intelligence : Athéna.
Ce qui a pu intéresser la protectrice d’Athènes chez son père, Mitsumichi se l’est toujours demandé, mais ce qui était certain, c’est que ce n’était pas vraiment pour ses qualités d’hommes, mais pour cette intelligence, et cette curiosité avide et acharnée dont il sait faire preuve dans ses recherches.
Elle passait parfois dans les laboratoires où il travaillait. Elle n’était pas vraiment d’ici, mais il n’y avait cependant rien d’anormal à ce qu’elle soit ici, et elle semblait à sa place avec ses cheveux blonds et ses yeux d’acier semblant tout voir, personne ne s’interrogeant sur les raisons de la présence d’une Occidentale. Elle était là, et c’était tout, et une autre des questions du jeune homme, est de savoir pourquoi la déesse est venue se perdre au pays du sabre, si loin des Terres où règne l’Olympe. Question à laquelle il n’aura jamais de réponse, car les dieux sont enveloppés de mystères.
Mitsumichi ne s’est jamais vraiment exprimé sur la relation qu’il entretenait avec la déesse, et la seule chose qu’il sait de cela, est une photo floue prise dans un photomaton, où son père semble être heureux, et où l’on devine une grande silhouette fine aux cheveux blonds, et dont le regard effacé vous fixe cependant avec la précision d’une aiguille d’orage. Shinji garde encore aujourd’hui cette photo avec lui, essayant de discerner ce qu’il a pu se passer entre son père, et cette femme qu’il ne parvient qu’à deviner à travers la brume de mystère qui l’entoure.
C’est à l’aube d’un mois de janvier que Mitsumichi Sekime trouve sur son palier un nouveau-né. Surpris par cette arrivée, il pense tout d’abord avoir affaire à un canular, ou à une erreur, mais il fut vite détromper, et du accepter la vérité. Qu’il le veuille ou non, il avait à présent un fils : Shinji Sekime.
Chapitre Premier. ~ Notre horizon ne sera jamais qu’une immense cage.
Les lumières trop éclatantes de la ville venaient sans peine éclairer le visage de l’enfant, endormit sur le tatami de la pièce principale, au milieu de couverture rejetée par des mouvements trop brusques, ou par les rêves nébuleux qui hantaient ses nuits, comme celles de tous les demi-dieux depuis des millénaires. Assit près de la fenêtre ouverte, Mitsumichi profitait de la chaleur de la nuit, tout en posant un regard plein d’une étrange curiosité sur cet enfant qui était à présent le sien.
Qu’est-ce que cette chose qui était apparu devant sa porte, quelques années plus tôt ? Un humain après examen, un simple enfant comme des centaines d’autres dans le quartier, et des millions sur la terre. Le sien ? Il fallait croire. Du moins, il devait le considérer comme tel, elle le lui avait dit.
Cependant, le Japonais n’ayant jamais prêté d’attention aux enfants, et n’ayant d’ailleurs jamais souhaité en avoir, s’occuper de Shinji était une épreuve autant pour l’un que pour l’autre.
Le chercheur avait dû quitter la pension où il résidait, car elle n’acceptait pas les enfants, et trouva dans un quartier assez proche, et petit appartement à louer, et où s’installer avec son nouveau fardeau. Par chance, l’une de ses nouvelles voisines était une vieille femme qui ne demandait pas mieux de s’occuper, tandis que Monsieur Sekime ne rêvait que de pouvoir retourner travailler. Oba ne s’occupa de lui un peu plus d’un an avant de décéder, et fut certainement la seule à reconnaître ses capacités intellectuelles.
Son père du alors reprendre son rôle, et ne se douta jamais de la chance que son fils fut le fils de la déesse de l’intelligence, car maintenant que Shinji était capable de marcher, et pouvait se tenir droit, il fut aux yeux de son père un adulte miniature. Et si il fut rapidement capable de comprendre et de parler, il ne vint jamais à l’idée du père que Shinji n’était pas un adulte, et qu’il avait d’autre besoin.
Shinji étouffait dans cet appartement. Son besoin naturel d’espace, renforcé par sa nature de demi-dieu le rendait intenable, et le faisait sans cesse tourner en rond dans les quelques mètres carrés où ils vivaient à deux. L’école où il se rendit dès que possible ne changea que peu l’affaire. Plus vif et brusque que ses camarades, et plus débrouillard et plus malin, les journées de classes étaient pour lui tout aussi ennuyantes que les journées passées à la maison, à l’exception près qu’il pouvait bouger… Et encore, cela se révéla bientôt un problème. En primaire, son père fût convoqué, et se fit annoncer que malgré ses grandes capacités, l’école ne pouvait pas le garder, pour l’excellente raison qu’il était incapable de rester immobile.
Ce fut alors le commencement de la tournée des écoles du quartier, puis de plus en plus loin, jusqu’à ce que son père soit obligé d’investir dans des établissements privés pour que Shinji soit accepté, appuyant sur ses excellents résultats, et sur ce que cela pourrait apporter à l’école…
Cela marqua également le début de la relation litigeuse qu’il entretient avec son père. Ce dernier attendait de lui qu’il soit un enfant-modèle, et puisque les remontrances n’y faisaient rien, les punitions étaient, elles, de bon goût, et le jeune héros devait ainsi passer le plus clair de son temps enfermé dans ce petit appartement, « pour réfléchir ».
Et il a réfléchi, il a eu tout le temps pour ça, mais après tout, c’était déjà écrit dans ses gènes, non ?
Incroyablement, il parvenait à rester calme lorsqu’il lisait, et même si son père possédait un nombre réduit de livre, Shinji réussit à parvenir à ses fins, et à réussir à sortir. La clé n’était pas de convaincre ou de persuader, son père refusait tout en bloc quand cela venait de lui, mais de réussir à faire venir l’idée de lui, ou du moins lui en donner l’impression.
C’est ainsi que Mitsumichi prit brusquement conscience que son fils causerait plus de problème chez lui que dehors, il pourrait casser quelque chose de précieux, ou abimer des dossiers qu’il entreposait là ! Et puis au fond, ce qu’il faisait lui importait peu, tant qu’il ne causait pas de problème.
La bibliothèque de la ville devint donc le nouveau refuge du fils d’Athéna, ainsi qu’un petit parc où personne ne venait jamais, coincé entre un vieux temple, et un dojo qui devait dater d’au moins la jeunesse de son grand-père. De là, il pouvait observer l’entrainement d’un groupe de jujitsukas grâce à un trou dans la paroi, et s’amusait à reproduire leurs mouvements dans le secret de la petite cour. Seul, il étudiait les différentes personnes qui l’entouraient, apprenant peu à peu les rouages de l’être humain, devenant capable de prédire les réactions des différents professeurs de son école, de ses camarades, de ses voisins ou de son père. Cette existence solitaire, fut sans doute l’un des moments les plus heureux de sa vie, ou du moins les plus paisibles.
Cette existence prit lorsqu’il avait cinq ans, et que son père annonça subitement qu’ils partaient pour Londres, ses recherches lui permettant de quitter le Japon, et d’avoir un poste dans un institut au Royaume-Uni.
Shinji quittait le Japon, et une page de sa vie se tournait.
Chapitre Second. ~ Les petits écrins renferment les diamants les plus précieux.
« Mais quel enfant adorable ! »Cette voix, il s’en souviendra à jamais, celle de Molly Adams, l’une des secrétaires de l’institut de recherche où Mitsumichi, la première fois qu’elle vint chez les Sekime, moyen innocent de faire comprendre à Shinji qu’il allait avoir une colocatrice.
Molly n’était pas une femme intéressante, loin de là, elle respirait autant la banalité que la normalité, elle n’était pas spécialement belle, bien que son visage un peu rond et couvert de taches de rousseur, encadrés par une crinière de cheveux bruns qui avait dû être roux par le passé, aie un certain charme, et par-dessus tout, elle était loin d’être intelligente.
Sans doute légèrement traumatisé par sa relation avec Athéna, et par le cadeau d’adieu qu’elle lui avait laissé, le chercheur s’était appliqué à chercher tout le contraire dans ce nouveau départ que leur arrivée à Londres leur offrait.
Shinji ne l’apprécia jamais, et n’essaya à vrai dire même pas. D’une naïveté affligeante, d’un optimisme à vomir, d’une bonne volonté à pleurer, et d’un désir pathétique et comique de se faire aimer de tous… Molly était certainement la femme parfaite aux yeux de son père, mais elle ne possédait rien qui puisse attirer l’attention de Shinji. Elle ne lui apportait rien, dans n’importe quel sens du terme, et tous ses efforts pour se faire apprécier de lui furent et restèrent toujours vains.
Environ un an plus tard, un nouveau résident vint également s’installer chez les Sekime : Lear Sekime, le nouveau demi-frère de Shinji, fils de Molly et de Mitsumichi. Ce dernier se révéla étrangement être un assez bon père, sans doute grâce à la présence de l’anglaise, et malgré la distance qu’il mettait entre lui et le reste de sa famille, en passant le plus de temps possible à l’extérieur, dans des bibliothèques ou autre part, il ne pouvait retenir ce pincement de jalousie envers l’enfant, lorsqu’il voyait toute l’attention qui lui était accordée. Un sourire légèrement ironique lorsque son père s’exprimait au sujet de son cher fils, dans son anglais au fort accent Japonais, alors qu’il avait réussi à gommer de ses mots la quasi-totalité de son accent, ne laissant qu’un vague écho indéfinissable lorsqu’il prononce certains mots.
C’est ainsi qu’il s’éloigna encore davantage, de ceux qu’il aurait dû aimer, mais qu’il gênait sans le vouloir, comme une ombre dans leur bonheur. Mais malgré tous ses efforts pour dépenser le surplus d’énergie qu’il engrangeait en permanence, il n’arrivait toujours pas à rester assit à son pupitre durant les cours, qu’il trouvait beaucoup trop lent et trop simple. Et il avait beau déployer toutes ses connaissances en matière de manipulations sur les adultes qui l’entouraient, il ne pouvait effacer ce qu’il y avait sur le papier, et lorsque toutes la paperasse s’accumulait trop, il se faisait immanquablement renvoyer.
Sur ce point, Shinji se sentait impuissant, pour épuiser ses réserves d’énergie, il lui aurait fallu allonger ses journées d’un tiers de leur longueur, et cela n’était malheureusement pas possible.
C’est dans ses moments là, que Molly savait se révéler un peu utile, elle savait tempérer les colères de son père, et faisait les procédures d’inscription à sa place, ce qui le soulageait grandement également. Une autre surprise se révéla être la fascination étrange qu’exerçait sans le vouloir Shinji sur Lear. Celui-ci l’admirait d’une façon incompréhensible, autant par ses parents que par le jeune demi-dieu lui-même. Il n’avait jamais prêté vraiment d’attention aux enfants, mais il ne savait pas vraiment comment réagir face à cette attention soudaine, alors que nul ne lui en avait jamais accordé pour autre chose que des remontrances.
Une complicité étrange naquit alors entre les deux frères, fruit de l’admiration de l’un et d’une acceptation silencieuse qui laissa place à la méfiance de l’autre. À cette jalousie passée, se substituait un sentiment d’affection qu’il n’avait jamais ressentit auparavant, et le bambin haut comme trois pommes suivait son ainé partout sans la moindre peur, avec une confiance sans limite.
Peu après survint l’un des événements qui restera à jamais gravé dans la mémoire de Shinji.
C’était un jour comme ils en avaient vécu des centaines d’autres, et comme il semblait s’en profiler tout autant. Un simple samedi de mars, où sous les nuages gonflés de pluie qui s’amassaient dans le ciel, les rayons pâles d’un soleil de printemps commençaient à réchauffer l’air. Il avait onze ans, Lear cinq, et ils jouaient à ce jeu qui consistait pour Lear à lancer des balles le plus fort possible, dans n’importe quelle direction, pour que son ainé les attrape. L’enfant se révélait étrangement vicieux à ce jeu, et étonnamment doué, réussissant régulièrement des lancers puissants et déstabilisant.
Une voix s’éleva alors. Étrange voix, déformée, d’une femme au teint verdâtre qui souriait gentiment, mais dont Shinji ne pouvait s’empêcher de se méfier. Elle leur demandait d’approcher et de l’aider à retrouver son chemin, leur montrant la carte de Londres qu’elle tenait entre ses longues mains. Le Japonais allait s’approcher, lorsque son frère se mit à hurler, comme il ne l’avait jamais fait auparavant.
« Serpent ! » Et la brume se dissipa brusquement, laissant apparaître une femme au corps mi-humaine, mi-serpent, qui lui souriait en dévoilant ses dents longues, et venimeuses, tendant le bras vers lui.
Shinji bougea, plus par instinct que par autre chose, poussant Lear derrière lui, il prit la première chose qui lui tomba sous la main et la lança à la figure du monstre. C’était une balle de tennis avec laquelle ils jouaient plus tôt. Sans attendre de voir l’effet que son projectile avait eu, il prit son frère dans ses bras, et détala à toutes jambes, trouvant que ce qui lui arrivait ressemblait étrangement aux rêves qui dévoraient son sommeil chaque nuit.
Un cul-de-sac.
Des travaux étaient organisés dans la fin de la rue, et personne ne pouvait passer depuis quelques heures. Ses iris sombres parcoururent rapidement les façades qui l’entouraient, à la recherche d’une issue. Si il avait été seul, il aurait simplement escaladé l’une des façades, espérant être plus rapide que le monstre qui venait de leur bloquer la sortie, mais c’était impossible avec Lear. Il réussit à le détacher de lui, et lui intima de se cacher derrière une poubelle, ses prunelles cherchant toujours une idée quelconque qui pourrait les tirer de ce mauvais pas, tandis que la femme s’approchait lentement, savourant d’avance ce fils d’Athéna qui tombait miraculeusement sous ses crocs.
Son regard tomba finalement sur le sol, où des vieux containers avaient été partiellement renversés avant d’être acheminé dans la déchetterie la plus proche. Un éclat de miroir, et une lame de couteau rouillée. C’était peu, mais il ne pouvait trouver mieux dans les dix secondes qui le séparaient de la morsure de la créature.
« Je t’aurais demi-dieu… » siffla la créature en s’élançant.
Shinji s’accroupit pour attraper ces deux objets alors qu’elle lui bondissait dessus, et utilisa le morceau de glace pour l’éblouir, tandis qu’il enfonçait la vielle lame le plus profondément possible dans son flan.
Il n’espérait pas la tuer, l’apparition de cette créature était bien trop soudaine et étrangère à ce qu’il pensait être son monde pour qu’il l’accepte, mais un miracle se produit, et la créature tomba sur le sol en pluie de cendres dorées.
Il alla tirer Lear de sa cachette, dans laquelle il tremblait, et le ramena chez eux. Les deux adultes les envahirent de question, mais aucun des deux ne pu répondre.
À partir de cette nuit, les cauchemars de Shinji se firent plus violents, et plus tranchants. Comme si cette rencontre avec ce monstre avait changé quelque chose en lui, mais qu’il n’en avait pas encore conscience. Son cadet quant à lui, refusait de sortir, ou simplement de quitter son lit, et le jeune héros était bien le seul à pouvoir le faire manger et le laver. Et lorsqu’il essayait de connaître la raison de son état, il répondait d’une voix tremblante, plongeant ses yeux verts dans les siens :
« Ils sont là… Ils te cherchent. »Shinji ne comprit pas immédiatement le sens de ces paroles. Elles ne prirent tous leurs sens que quelques semaines plus tard, lorsqu’il se fit de nouveau attaquer en plein métro londonien, l’appelant toujours de cette même étrange façon. « Demi-dieu. »
Il décida alors de partir. Pour la paix de ceux qui l’avaient fait grandir même sans l’aimer. Pour son frère, qu’il entendait pleurer de peur toutes les nuits dans son lit.
Il partit, sans un mot d’explication, laissant simplement son lit fait, et un imperceptible baiser sur la joue de Lear.
Chapitre Troisième. ~ L’aventure est comme une bouffée d’oxygène. Addictive, enivrante, et finalement mortelle.
Il y avait quelque chose de grisant dans l’immense étendue verte et bleu qui s’offraient à ses yeux. Plus de murs ou de limites, plus de règles lui semblait-il. Plus de monstres, ou de présence quelconque. Personne. Juste lui, le ciel, l’herbe et l’eau.
Ça ne durerait pas longtemps, il le savait, ça ne durait jamais longtemps. Cela faisait presque deux mois qu’il avait quitté sa vie à Londres, et si il y avait bien quelque chose que cette errance lui avait appris, c’était que la paix était quelque chose d’éphémère, et qu’il devait savourer chaque seconde de répit qu’il pouvait avoir. Il regrettait presque la vie monotone qu’il vivait un peu plus tôt avec son père, Molly et Lear, ou le seul danger qui le guettait était l’ennui. Aujourd’hui, il nageait dans le danger, et toute l’énergie qui le faisait auparavant continuellement bouger lui permettait à peine de survivre un jour de plus. L’épuisement et la lassitude étaient venus à bout de son endurance, et Shinji n’avait plus qu’un rêve, se laisser tomber dans l’herbe, et dormir, quitte à subir les pires cauchemars.
Des monstres viendraient surement pendant ce temps-là, mais après tout, pourquoi pas ? Il ne demandait rien de plus après tout. « Mourir…Dormir, rien d’autre ; […] Mourir… dormir…peut être rêver. » Shakespeare l’avait très bien exprimé, était-il lui aussi un demi-dieu ?
Un sourire douloureux et ironique étira ses lèvres, alors qu’il se remettait en marche. Il délirait complètement. La fatigue allait l’achever, si il commençait à citer du Shakespeare, et à se poser des questions sur les demi-dieux. Il voulait des réponses, il les cherchait, mais pour le moment, il devait faire les choses dans l’ordre. Trouver un refuge ou passer la nuit, et de quoi manger. Trouver simplement un peu de temps, pour continuer à vivre.
D’abord, avancer.
Il venait de quitter le dernier cercle de la banlieue londonienne où il avait évolué durant ces deux premiers mois, et où il ne pouvait s’empêcher de dévisager chaque personne qu’il croisait, évitant les endroits isolés, où il ne pouvait fuir, car il n’avait pas vu venir le danger.
D’ici, il voyait tout, et espérait pouvoir avoir un peu de tranquillité avant qu’il ne retrouve sa trace. Mais les trois jours de marche qu’il venait de faire sonnaient inexorablement la fin de sa tranquillité, et la suite lui donna malheureusement raison.
Les herbes à sa droite frémirent, et Shinji eut juste le temps de sortir le couteau qu’il s’était confectionné avec la lame qu’il avait trouvée dans la ruelle, et un morceau de bois, avant que la chimère ne jaillisse des tiges vertes.
Il bondit en avant, et roula dans la boue pour éviter le jet de flamme qui sortit de la gueule du monstre, ne relevant la tête que pour rouler à nouveau dans l’eau, trop lentement cependant, les flammes ayant changées une partie de ses cheveux en cendres.
Il lui fallait un plan. Dans ce qu’il se souvenait des cours qu’il avait eus, c’était un héros accompagné de Pégase qui avait vaincu cette créature. L’existence d’un Pégase ne parvenait même plus à étonner le jeune garçon, mais malheureusement, il n’avait pas de tel allié avec lui. Il était seul, avec son couteau, et la chimère.
Et de l’eau.
Il n’en prit conscience qu’elle roulant littéralement dedans pour esquiver une nouvelle vague de feu de l’animal.
Shinji réfléchit alors, Pégase avait été utilisé parce que sa vitesse était supérieure à celle des flammes, et qu’il avait ainsi été possible au héros de s’approcher de la créature. C’était donc les flammes qui maintenant la distance entre la chimère, et sa proie. Bien.
Il plongea juste à temps pour éviter le destin de rôti qui le menaçait à la vitesse d’un nouveau jet de flamme. L’eau. Il n’avait pas de Pégase, mais il avait de l’eau, et sa tête. Il allait devoir s’en contenter.
Le seul problème, était que si il décidait d’attaquer, son Tshirt trempé ne le protègerait même pas une demi-douzaine de seconde. Ses iris onyx parcoururent l’étendue d’eau à la recherche d’une idée, n’importe laquelle, qui pourrait à défaut de réussir à transformer la créature en cendres dorés, la retarder suffisamment pour lui permettre de s’enfuir.
C’est alors que le Japonais aperçut un étrange visage aqueux à la surface du lac.
« Une naïade… » s’étonna-t-il à peine, avant de plonger une seconde fois, un sourire sur les lèvres. Il l’avait son idée !
Shinji sortit de l’eau, en agitant les bras en direction de la créature, un air moqueur sur le visage. Disparaissant dans l’eau lorsque les flammes s’approchaient de lui, il réussit peu à peu à attirer le monstre dans l’eau jusqu’au poitrail. C’est à ce moment que des bras d’eau s’enroulèrent autour de lui, et attirèrent peu à peu la chimère vers le fond.
Le jeune demi-dieu contempla ébahi, et trop fatigué pour réagir le monstre se faire engloutir, et ne revint vraiment à lui que lorsqu’une dame des eaux d’adressa à lui.
« Tu dois partir fils d’Athéna. »Il obéit sans vraiment comprendre, et sans vraiment le vouloir, ses derniers mots résonants dans sa tête. Fils d’Athéna.
Sa vie continua ainsi, marchant de ville en ville, sans rester plus de quatre jours au même endroit, utilisant ses connaissances en psychologie pour améliorer un peu son quotidien, et surtout, pour éviter que l’on ne pose trop de questions, et qu’il soit forcé de retourner à Londres. Plus d’un an avait passé déjà, il ne pouvait pas se résigner maintenant. Lear était bien mieux sans lui.
Quelques mois plus tard, alors qu’il venait d’échapper de justesse à un monstre, il fit une rencontre qui allait changer sa vie. Celle d’un satyre nommé Drew. Étrange apparition dont il ne pouvait s’empêcher de se méfier au premier abord, mais qui réussit finalement à gagner la confiance du jeune homme, et c’est finalement lui qui le guida jusqu’à sa nouvelle maison : La colonie des Sang-Mélé.
Chapitre Quatrième. ~ L’arrivée n’est pas une fin, c’est un autre mot pour dire début.
La colonie des Sang-Mélé.
Les impressions de Shinji sur ce camp étaient mitigées. Il appréciait d’avoir enfin trouvé un endroit où il était à l’abri, où il évoluait avec des gens comme lui, et surtout, d’avoir enfin des réponses à toutes ses questions. Mais d’une manière générale, il y avait trop de monde. Trop de bruit.
Il aimait ce lieu comme il n’en avait aimé aucun autre, et appréciait ces gens dans leur globalité. C’était étrange d’avoir de ne pas se sentir complètement accepté à cause de son caractère par cet endroit qui avait quelque chose de trop lumineux, et de se sentir à la fois prêt à faire n’importe quoi pour que rien ne change.
Dans ce lieu plein de héros, une personne en particulier attirait à elle seule toute l’admiration et le respect de Shinji. Une légende vivante, ou presque, qui avait déjà participé à au moins deux quêtes avant qu’il n’arrive, combattant émérite et respecté de tous : sa demi-sœur ainée, Annabeth Chase.
Cependant la guerre contre les titans couvait, et éclata bientôt, transformant Londres en véritable champ de bataille. Si son esprit avait osé imaginer une telle scène, il n’aurait cependant jamais imaginé pouvoir en sortir vivant. Mais les années à la colonie avaient payé, et il maitrisait à présent les arts du combat aussi bien que les autres pensionnaires.
La prophétie était achevée, et comme d’autres, Shinji cru que leur temps de paix était enfin venue. Les monstres étaient toujours là certes, mais ils ne semblaient plus si menaçants aujourd’hui, que par le passé. C’était illusoire sans doute, de penser que des personnes comme eux puissent avoir une vie de simples humains, mais c’était le mirage réconfortant qu’ils pouvaient s’offrir après cette guerre.
Mais tout à une fin, et celle des bons moments vient plus vite que celle des mauvais. La disparition de Percy, et une nouvelle prophétie le firent clairement comprendre à tous. La paix était finie, et les combats reprenaient. Et ceux, contre des adversaires dont ils n’avaient jamais soupçonné l’existence : les Romains. Étranges et passionnants adversaires, qui donnaient à Shinji l’impression de devoir affronter un reflet partiellement déformé de leur camp. Semblables, et différents. Grecs et Romains.
Les héros de la prophétie accomplirent finalement leur destin, et Gaïa retourna à son sommeil, plus éternel cette fois, du moins l’espérait Shinji, et ce qui semblait à tous être cette paix tant attendue, se mit en route.
Crédules demi-dieux qu’ils étaient. Leur sang mêlé ne leur offrait qu’un droit, qu’un seul devoir : celui d’avoir une vie tortueuse et douloureuse, et de devoir se battre à chaque seconde, non pas pour vivre réellement, mais simplement pour survivre.
Ce n’était plus les titans, les géants ou les anciens dieux qu’ils avaient à craindre, mais des hommes, proche par la forme, mais différent par l’âme. En possession d’une autre forme de magie, guidée par d’étranges morceaux de bois.
Pris par surprise, les demi-dieux de la Colonie ne purent rien faire mis à part compter leurs morts, et constater avec douleur et désolation la mort de leur héros, Percy Jackson. Si ils ne semblait ne plus exister d’avenir, Chiron fit une nouvelle fois preuve de son expérience, et de sa sagesse, en trouvant un lieu pour les abriter, reconstruisant la colonie au milieu d’un château empli de ces sorciers, semblables à ceux qui avaient détruit leur maison.
Mais ils n’étaient pas identiques, le quotidien allait le lui enseigner.
Quotidien bientôt bouleversé par l’arrivée des Romains le jour d’Halloween, pour des raisons semblables aux leurs, prometteuse d’une colocation pour le moins étrange, sinon possiblement houleuse. Et puisque tout cela ne semblait pas suffisant, les flèches de Cupidons virent percer avec une facilité déconcertante la petite carapace de bonheur qu’ils avaient réussi à former à Poudlard. N’échappant pas à la règle, ce fut Athéna Beauregard qui eut droit à l’attention de Shinji, jusqu’à ce que les cloches de Noël dissipent le sort, promettant une période de repos.
Le calme avant la tempête. Combien de fois ce vieux dicton allait-il se vérifier, avant que ne vienne une exception qui vienne confirmer cette règle sempiternelle ?
Hestia, gardienne du foyer, disparue ou plutôt enlevée par les Nosferatus. Cette annonce donna naissance à deux quêtes, qui semblaient plus désespérées que jamais aux yeux de Shinji. Et comme pour l'approuver, le ministère de la magie qui garantissait leur protection était tombé, une série de quatre meurtres eurent lieu dans le château, asseyant un règne de panique et de peur.
Que les Moires aillent pourrir en Enfer, et que la sérénité repose enfin sur nos destins.