Notre histoire commence un beau jour de Décembre, dans une contrée qui se nomme désormais la France. La neige tombait lentement mais surement, les flocons dansant dans le ciel bleu-gris avant de venir s'échouer sur le sol, déjà recouvert d'un épais manteau blanc. Le lac était gelé, les rues quasiment désertes. Il régnait un calme et une sérénité sans faille. Jusqu'à ce qu'un cri s'élève du château. De la chambre à coucher de la Reine, plus précisément. Un bébé venait de voir le jour, sous les soupirs de sa mère et la joie du royaume tout entier. Une fille. La deuxième de ce couple royal. Cette enfant, aux yeux tantôt bleu comme la glace, tantôt vert pâle, c'était moi. Athéna Morgan Beauregard, princesse et seconde héritière du Trône de France. 

J'ai grandi dans l’opulence et ai été choyée comme pas une. En même temps, lorsqu'on a un statut aussi élevé, il est difficile de trouver quelque chose que l'on ne peut obtenir. Écœurant, certes, mais réel. Après tout, aujourd'hui, c'est bien l'argent encore qui fait tourner le monde, non ? Je n'étais pas une enfant difficile, mais j'avais tout avant d'en formuler la demande. Vraiment tout. Sauf la présence et l'amour de mes parents. Ils étaient trop occupés par leurs obligations. Par leurs nombreuses fêtes et réceptions en tout genre également. Enfin, qu'importe les raisons ou excuses, qui étaient toujours diverses et variées, le fait est qu'ils n'étaient pas présents pour moi. A la place, j'avais de nombreuses servantes, nurses, et précepteurs en tout genre. On m'apprit les bonnes manières, on m'instruisit un minimum pour que je ne sois ni sotte, ni trop intelligente pour une femme, et on m'inculqua quelques savoirs comme la couture, dont je n'eus jamais le loisir de me servir, les domestiques faisant tout à ma place. En résumé, j'étais entourée d'inconnus à longueur de journées, m'apprenant des choses dont je n'avais que faire. Mais ne voulant pas attiser la colère de mes parents et voulant être une bonne fille qu'ils reconnaissaient, j'écoutais ce que l'on me disait et obéissais sans rechigner. 

Le temps que je ne passais pas à étudier, je le passais à lire ou observer. Souvent recluse dans ma chambre, les activités d'extérieur n'étant pas faites pour mon rang et pouvant nuire à ma peau laiteuse tandis que dans la château, j'étais dans les pattes de tout le monde, je m'occupais en m'imaginant milles et une chose. Je me construisis un monde enchanté, basé sur les histoires à l'eau de rose que je dévorais avec avidité depuis mon plus jeune âge, vidant peu à peu l'immense bibliothèque qui siégeait au royaume. Je rêvais de magie, d'aventures en tout genre et essayait de me faire une idée de ce que pouvait être la liberté. Parce qu'après tout, je n'avais jamais franchi les portes de cette demeure. Et ce que je voyais du monde extérieur était en grande partie ce que l'on m'apprenait, ce que j'y découvrais dans les ouvrages, peintures et dessins, et ce que je pouvais observer de la fenêtre de ma chambre. Tout le monde m'enviait. Mais je n'étais qu'une frêle créature enfermée dans une prison dorée. 

Le temps passa et l'on m'arracha ma sœur, après une réception auquel je n'assistais même pas. Je ne devais pas lui voler la vedette. J'avoue que sur le coup, je ne compris pas de quoi il était question. J'étais innocente et pure. Je le suis toujours d'ailleurs, bien qu'aillant perdu un peu de mon innocence. On m'informa qu'elle s'était mariée et je ne la revis plus. Un membre de la haute noblesse l'avait emmenée dans ses propriétés et je supposais qu'elle était heureuse. Après tout, c'est ce qu'il se passait dans les contes, non ? Maria devait avoir trouver le prince charmant. Et j'avoue avoir été légèrement jalouse. Pas de son mariage, non. Mais il semblait qu'après avoir déployée ses ailes et s'être envolée à l'extérieur de ces murs, elle m'est oublié. Ma nourrice me répéta sans cesse qu'elle ne pouvait juste pas venir quand bon lui semblait, mais cela n'arrivait pas à faire taire la souffrance qui était née suite à son absence. Bien qu'elle n'est pas souvent été là pour moi, désormais, j'étais vraiment seule au monde.



Tiens toi droite, regarde devant toi, souris, soit jolie, soit gentille. Cette phrase résonne encore dans ma tête, me donnant un profond sentiment de malaise. Ma sœur était partie, mais je ne m'étais pas doutée une seconde que ce serait bientôt mon tour. J'étais jeune, bien trop jeune. Une jeune fille frêle et innocente, ne connaissant rien à la vie ni au monde qui l'entourait. Alors pourquoi a-t-on voulu me précipiter dans un cauchemar ? Maria aussi avait-elle eut droit au même sort ? Tout d'un coup, la vie heureuse et emplie de liberté que je l'avais vu menée s'écroulais. Il n'y avait pas de prince charmant. Comme la magie n'existait pas. Ni même la liberté ou l'aventure. Debout, dans cette salle de bal où je ne savais que faire, je me prenais une grande claque dans la figure, la réalité m'assaillant pour la première fois en quinze années. 

La pièce était pleine à craquer. Pleine d'inconnus tous plus répugnants les uns que les autres. Des nobles, bien entendu. Les coiffures sont exagérées, les perruques à la mode, le maquillage tartiné par pelletées sur les visages... Et cette odeur qui émane de la salle... Ce relent infect, mélange de tous ces parfums trop forts qui me donnent envie d'éternuer. Je ne m'y sens pas à ma place. Je ne sais même pas ce que je fais là. Les rires gras emplissent la pièce, couvrant le fond sonore qu'est sensé être la musique. Tout le monde me sourit, mais leurs sourires me font peur. Ils me paraissent tous faux, intéressés... J'ai l'impression d'être entourée de monstres. Je manque d'air, tout commence légèrement à tourner autour de moi et je fais un pas en arrière. Comme si cela pouvait me permettre de m'échapper. Mais je ne peux pas. Mon père fait un discours que j'entends à peine, ses mots comme lointains, énoncés dans une langue qui me parait étrangère. Tous les hommes me dévisagent, avec un regard qui me fait froid dans le dos. Je n'en connais aucun. Je ne sais pas ce qu'ils veulent. Je cherche désespérément quelqu'un de sensiblement mon âge, mais ils sont tous beaucoup plus âgés. La panique me gagne et j'ai l'impression qu'on m'a précipité dans un cauchemar. Je ferme les yeux, je me pince, mais lorsque mes paupières se rouvrent, ils sont toujours là. Mes mains se mettent à trembler et l'envie de vomir me prend mais je tiens bon et esquisse un pâle sourire comme mon éducation le veut. Pour la première fois de ma vie, je veux retourner m'enfermer dans ma chambre.

Ma mère me glisse cette énième phrase à l'oreille et j'avance à ses cotés au centre de la pièce où je me raidis et reste plantée là, comme un piquet. Je m'essaie à sourire, mais c'est peine perdue. Je ne voulais pas de ça, ce n'est pas comme ça que j'avais imaginé ma vie. Tous ces hommes sont bien trop vieux. Un frissons me parcours l'échine en m'imaginant passer le reste de ma vie à leur coté, et une fois de plus, je plains ma pauvre sœur. Plusieurs hommes se présentent à moi et j'en fais de même avant de me laisser entraîner dans une valse que je crois interminable. Ils sont bien trop prêts. Ils me font bien trop peur. La musique annonce la fin et je m'arrache de ces bras inconnus pour retourner voir ma mère et la supplier d'arrêter cette mascarade. Mais il en est hors de question. Alors au lieu de s'énerver en public, elle me glisse à l'oreille quelques mots qui me glace le sang, en bonne Reine. L'envie de pleurer me vint, mais je me contins. Je ferais n'importe quoi pour que l'on arrête ce supplice. Mais je suis impuissante, alors ce rêve cauchemardesque continu. 

Jusqu'à ce qu'un miracle se produise. Une femme boit un verre de trop et devient indécente. Tous les regards se tournent vers elle, seul moment de répit depuis ce début de soirée. Mais la distraction ne durera pas. Alors je dois prendre une décision, et tout de suite. Comme si il y avait à hésiter. Je sais ce que je veux. Alors je recule, doucement, essayant de passer inaperçue, avant de sortir de la salle et de courir aussi vite que je le peux, bousculant les quelques domestiques qui se trouvent dans les couloirs. Mais je n'y fais pas attention, je ne m'excuse même pas. Je trace, ayant peur que l'on me se rende compte de mon absence trop tôt. Que l'on me retrouve. Le château disparaît dans la nuit tandis que j'arrive aux écuries et enfourche mon cheval. Suis-je lâche de fuir ? Peu importe, je ne veux pas de cette vie. Alors je galope, encore et encore, jusqu'à arriver au village le plus proche. On a surement remarqué que j'avais disparu, mais il est trop tard. Je suis déjà loin, et il est hors de question que je revienne en arrière. Je toque à une première porte et promet mon cheval en échange de l'asile pour cette nuit. j'ai besoin que l'on me cache. Mais on refuse ma précieuse jument. Alors je toque à une seconde porte et promet les joyaux de ma couronne. Et là, on accepte. Alors je rentre précipitamment tandis que l'on cache mon cheval. 

Le lendemain, tout le royaume est à ma recherche. Mais les villageois tiennent leur promesse et l'on ne me retrouve pas. Alors, à la nuit tombée, je leur laisse ma couronne avec les pierres précieuses incrustées dedans, récupère mon cheval et continue ma route. Je suis enfin libre, et pourtant, je sens un poids sur mes épaules. Je sais que l'on continuera de me chercher, tel un animal que l'on traque. Et je ne suis en sécurité nul part. Je n'ai pas d'argent, ni de vêtements chauds. Peut être avais-je sonné ma perte ? Mais je n'y pense pas, la peur me tiraillant déjà assez ainsi. Je finis par pénétrer dans une forêt et m'y enfonce profondément, jusqu'à arriver à un point d'eau. Une biche s'y abreuve et je laisse mon cheval en faire de même, assoiffée par le voyage. L'animal est sauvage, et pourtant, il n'a nullement peur de moi. Alors nous finissons l'un en face de l'autre, et je tends ma main pour la caresser. Un sentiment de paix m'envahit. La créature est si belle, pure et innocente. Je pourrais presque me voir à travers ses yeux brillants. Et puis un hurlement déchire le ciel, et je me retourne, en alerte. Une jeune fille blonde, d'une beauté sourde, entre dans la clairière, accompagnée d'un loup. Mais ce dernier est blessé. Le peur m'envahit, mais la pitié également. Le pauvre animal semble souffrir le martyr. Alors je m'approche prudemment. La demoiselle m'explique qu'elle ne me ferait pas de mal tant que je ne lui en ferais pas non plus, alors je mets fin aux quelques mètres qui nous sépare et aide à soigner le loup. J'en profite pour vider mon sac, lui racontant assez rapidement mon histoire, et elle en fait de même Theia, c'est son nom. Cette dernière me parle d'Artémis et de ses chasseresses. Elle me promet que je n'aurais plus à fuir quiconque, que je serais protégée, aidée et entourée. Ses paroles me font voir milles merveilles, et je la vois comme un ange salvateur. Alors je prête allégeance à la déesse de la Chasse et de la Nuit, rejoignant Theia dans sa quête éternelle.



La jeunesse éternelle... Je crois que sur le moment, je n'avais pas compris ce qu'impliquaient ces mots. Celle de vivre pour toujours, en gardant le même visage. De voir le temps défiler à une vitesse folle et les simples mortels mourir au fil des âges. De ne plus pouvoir revenir en arrière, aux cotés de ses proches, morts depuis bien longtemps. Quand on y pense, c'est effrayant. Je ne dirais pas que je n'ai jamais pensé à ce qu'aurait été ma vie si je n'avais pas fuit. Que mes parents ne m'ont jamais manqué. Cependant, je suis sure d'une chose. Si j'avais pu revenir en arrière, j'aurais assurément fait le même choix. 

Pour moi, être éternellement vierge n'était pas un sacrifice. La pureté était la fierté d'une femme. Et plus les époques passaient, plus elle était rare. De toute façon, depuis ce fameux jour, les hommes me faisaient légèrement peur. Ou du moins, ils m'intimidaient. La jeunesse éternelle pouvait être douloureuse, ne pouvant nous attacher réellement aux autres sans savoir qu'on les verrait mourir tôt ou tard. Mais de tout manière, nous ne nous mêlions pas vraiment aux mortels, restant en groupe, soudées. La peur de mourir seule, de faim ou de froid avait disparue, comme si elle n'avait jamais existé. Celle d'être poursuivie et mariée aussi, bien évidemment. Je goûtais enfin à la liberté. J'oubliais toutes les contraintes d'une princesse, et me lâchais enfin un peu. Les chasseresses ne sont pas des sauvages, loin de là, mais elles ne sont pas non plus coincées. Devant les hommes ? Bon, certes un peu, mais c'est juste que nous ne les connaissions pas assez pour les juger. Nous nous en méfions. Les aventures auxquels j'avaient toujours rêvé me tendaient les bras, et nous voyagèrent beaucoup. La chasse était récurrente, mais c'était une activité qui me plaisait énormément. Chaque jour, je remerciais Theia de m'avoir sauvé et Artémis de m'avoir prise sous son aile. Le bonheur avait sonné à ma porte, et je ne comptais pas la laisser partir.

Les époques se suivirent et je regardais avec fascination l'avancée technologique. Tout comme je ne comprenais pas le besoin qu'avaient les humains de dévaster la planète et s'en prendre à la nature. Ce monde n'était-il pas un cadeau ? Alors pourquoi l’abîmer ? Il y eut tant de guerres, tant de massacres, tant de déforestations, tant de pollutions... Je ne savais ce qui était le pire, mais l'horreur était bien présente. Au fond, j'étais soulagée d'avoir quitter leurs rangs pour rejoindre ceux de femmes droites et sensées, ne s’intéressant nullement au pouvoir. Nous protégions Artémis et chassions les monstres qui faisaient surface, évitant blessés et morts. 

Et puis une Grande Prophétie fut énoncée, sonnant le retour de Cronos. Une guerre éclata et notre lieutenante, Zoe, perdit la vie, remplacée par Theia, ma sauveuse. Sa perte fut longuement pleurée, étant une femme d'une valeur et d'un courage exemplaire. Nous perdirent beaucoup des nôtres, et la deuxième guerre qui éclata ne fut pas non plus dans notre intérêt. De nombreuses vies furent prises, mais je survécu miraculeusement. Sans doute l'entrainement intensif et sans pitié de la jolie blonde m'avait sauvé la vie plus d'une fois. J'étais une chasseresse rapide, forte et vaillante. Une femme belle et raffinée. Comme la plupart d'entre nous. Et même si nous n'étions plus beaucoup, j'étais fière d'appartenir à cette patrie. Armée de mon arc et de mes flèches, je pris part encore à de nombreuses chasses sous les ordres d'Artémis et de Theia. Et puis les sorciers attaquèrent, et notre bungalow fut détruit. Nous furent obligé d'aller à Poudlard, les ordres de notre déesse ne se discutant pas. Les Romains nous rejoinrent peu après. Puis Cupidon fit des siennes, et l'une de nos chasseresses faillit même tuer un homme. Mais heureusement, je ne fus prise que d'une haine sommaire et rien de très grave ne se produisit. Je préférerais cela à rompre mon serment à cause d'un dieu en couche culotte ! Ainsi continua notre quête, mais désormais, nous ne savons pas jusqu'où elle nous mènera. A vrai dire, nous ne l'avons jamais su.